6 nov. 2016

Toucher II

Je n'aime pas ma culture et sa peur de la proximité
Je n'aime pas cette distance normalisée que l'on s'impose
Je veux vivre par le toucher, pas seulement via le regard et la parole
Je veux vivre, tactile, comme si c'était le seul sens auquel j'avais accès

Mais j'ai trop peur que des mains non-invitées s'imposent
J'ai peur qu'un corps de trop s'invite alors que je ne le veux pas
Que cette proximité soit vue comme un ''oui'' à tous les niveaux
Que je perde le contrôle et doive faire ce que l'on attend de moi
Comme un objet docile de film pornographique
Cela m'est arrivé trop souvent dans ma jeunesse
Répéter des gestes, sans amour, pour faire comme dans les films
Pour apprendre ce que c'est d'être une adulte comme ces femmes que l'on abuse
On nous a appris comment accepter d'être abusées

Et le revoilà, sa présence comme une scène d'épouvante
Dans mon esprit soudainement désordonné
Son visage me hante, son corps nu encore plus
Je me blottis pour oublier son corps nu dégueulasse
Osseux, abusif et incongru
Ses yeux globuleux qui m'épient comme une proie, empreints de folie
Les pupilles dilatées de plaisir alors que je me recroqueville
Je me blottis et tente d'oublier la texture de ses draps
Et sa nudité imposée à mes côtés, puis son bras autour de moi

Depuis j'ai appris à imposer la distance pour me prémunir
J'ai appris aussi à me défendre intellectuellement
Et bien sûr économiquement
Pour que la prochaine fois j'aie le luxe de m'enfuir à temps
Maintenant je protège mes sœurs de ces hommes qui ne comprennent pas
Que leurs corps incongrus ne peuvent pas s'imposer si je suis là

Je n'aime pas la peur de la proximité mais je la cultive
Comme une arme contre le mal que l'on puisse faire à nos corps
Comme un poignard qui s'invitera au creux de vos côtes
Si jamais vous avez l'audace d'approcher sans que l'on ne le veuille aussi

Je ne peux toucher personne qui ne respecte la nécessité de la réciprocité

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